Festivals, influences et avenir : rencontre avec Boulevard des Airs !
Vous avez toujours eu un style très éclectique, et vous avez expérimenté beaucoup de choses dans votre dernier album, Je me dis que toi aussi. De quoi vous êtes vous nourris ?
Sylvain : D'énormément de choses ces dernières années, notamment de musique urbaine comme Vald, Damso ou Columbine. Quand on a écrit, nous ne nous sommes pas posés de questions. Dans le dernier morceau de l'album, La Vie est une fête, nous avons mis de l'auto tune ce qui était une réelle prise de risque. Il faut se demander si l'on doit faire ce que l'on attend de nous ou ce que l'on veut. Et ça a bien marché.
Flo : On nous demande souvent quelle est notre tendance musicale. Le premier morceau de notre album Bruxelles, qui a fait connaitre le groupe, a une intro flamenco. Personne ne s'y attendait, notre label non plus. Le titre Bruxelles a très bien marché sur l'album d'avant, et il est assez électro. À la limite, nous sommes plus dans quelque chose d'expérimental. Par exemple, nous n'avions jamais utilisé d'auto-tune, et en même temps, nous avons fait une intro flamenco. Pour moi, c'est l'opposé de ce que l'on attend de nous. Au milieu de tout cela restent des chansons comme Amène-Moi, Bruxelles, Je me dis que toi aussi, qui ne sont finalement pas très éloignées, et à côté il y a quelques OVNIs. C'est une marque de fabrique du groupe. Il y a quelques jours, nous avons fait une version d'Allez Reste avec un orchestre de musique classique, personne ne s'y attendait ! Bon des fois l'original, ça rate ! (rires)
Vous avez quinze ans de carrière mais vous avez été révélé au grand public assez tard. Est-ce qu'il y a des titres que vous jouiez avant qui vous tiennent à coeur ?
Flo : Il y a toujours Cielo Ciego, sorti en 2011. C'est le titre qui a fait connaitre le groupe au grand public. Ce morceau a subi des dizaines de transformations, mais il est toujours joué et les gens l'aiment beaucoup. On joue des titres de tous les albums, que l'on essaie de revisiter. Déjà, ça nous permet de changer un peu et de ne pas faire le même titre des milliers de fois, et ça nous permet de surprendre le public. On ne change jamais totalement un morceau car les gens ont des attentes. Si je vais voir AC/DC, j'ai envie de voir des morceaux qui ont trente ans sans qu'ils ne soient trop changés. On modifie les ambiances, les interventions avec le public, et surtout, on se nourrit à travers leurs retours. Des fois des choses n'ont pas fonctionné, et nous les avons enlevées.
Pour certains artistes, le format court du festival est frustrant. D'autres adorent ça. Et vous ?
Sylvain : Flo adore ça et moi ça me frustre ! (Rires) On est tous différents. Ça va trop vite ! Je parle beaucoup, et dans un format court je dois me restreindre.
Flo : Pour moi ça n'est pas frustrant car en une heure tu as compris ce que voulait présenter l'artiste. En tant que festivalier, quand le groupe est nul c'est chiant. Au contraire, si tu as envie d'aller plus loin, tu peux retrouver l'artiste lors de sa tournée des salles. En festival, faut être bon rapidement. Mais si tu n'es pas bon en une heure, tu ne seras pas bon en plus de temps.
C'est vrai qu'il y a un vrai capital sympathie auprès du public. Quelle est la relation que vous souhaitez créer avec lui ?
Sylvain : On a jamais mis de mur avec eux. Au début, il y avait peu de gens aux concerts. On a toujours pris le temps de parler avec le public, et on a gardé cette habitude. Quand les réseaux sociaux sont arrivés, on s'est dit que nous allions nous en occuper nous. On répond à tous les mails et au maximum de commentaires, en essayant de garder un maximum de proximité.
En festivals, vous commencez avec Si le temps passe d'une façon très forte. Est-ce une manière pour le public de rentrer dans le show, de pouvoir s'accrocher à ce qu'ils connaissent ?
Flo : Clairement. Nous voulions entrer dans le show avec un titre dans lequel on se sent bien, sur lequel nous sommes sûrs de délivrer l'énergie que nous voulons. On souhaite se sentir bien, que tout le groupe soit bien concerné, car ainsi tu captes l'émotion des gens. Sur les autres morceaux, on a plus de temps pour parler, installer un univers.
Comment s'est passée la création du duo avec Vianney, venu à Musilac en 2017, que vous connaissez depuis longtemps ?
Flo : Nous nous sommes connus lorsqu'il venait de démarrer. Il faisait des concerts de maximum 300 personnes où il nous invitait. On se voyait en dehors de la musique pour manger, jouer au tennis. Un jour, on lui a fait écouter ce que nous faisions, et lui nous a fait écouter son duo avec Gims qu'il n'avait pas encore sorti. Il nous a dit qu'il a adoré "Allez Reste". On s'est dit que ça pourrait être sympa de faire un truc un peu officiel, car même si nous avions fait des trucs avec lui, il n'y avait rien eu de vraiment concret. Aujourd'hui, c'est le titre français le plus joué en radio ! L'histoire est géniale, ça a été enregistré dans une chambre chez lui, dans des conditions un peu pourries, et ça se retrouve là où c'est aujourd'hui, c'est magique.
D'autres collaborations vous intéressent ?
Sylvain : À chaque fois que nous avons collaboré avec des artistes, je pense à Tryo, Zaz, L.E.J, ce sont grâce à des rencontres qui se sont très bien passées. De ces rencontres sont nées des collaborations. Je ne sais pas du tout qui on va rencontrer et avec qui on pourrait travailler. Nous sommes ouverts et faisons une musique très éclectique. Les gens ne seraient pas étonnés de nous voir collaborer avec un rappeur, comme Columbine, ou avec d'autres artistes comme Bruel. On a déjà fait de la polyphonie corse avec A Filetta par exemple. Pas forcément d'envie en particulier donc, seulement plein d'envies !
Le titre La vie est une fête, peut faire penser au titre littéraire Paris est une fête, de Hemingway. En dehors de la musique, cela vous inspire ?
Sylvain : Clairement, c'est une référence à Hemingway. Certes, on ne pouvait pas savoir qu'Orelsan aurait sorti juste ensuite La Fête est finie (rires). Nous avons aussi le morceau Tout s'effondre qui parle d'une ville où tout est privatisé. J'ai vu qu'Alain Damazio vient de sortir un livre appelé Les Furtifs. C'est un écrivain de science fiction et d'anticipation. C'est incroyable. Ça se passe aussi dans une ville qui est totalement privatisée, exactement comme dans Tout S'effondre. Comme la musique, il y a des livres qui nous inspirent.
Vous écrivez aussi pour d'autres artistes. Que vous apporte cet exercice ?
Flo : C'est génial car tu te mets dans la peau de quelqu'un d'autre, tu essaies des choses que tu n'aurais pas forcément essayé avec ton projet. Si aujourd'hui on écrit pour un rappeur, ce sera se mettre dans un truc sans avoir à l'incarner après, de toutes façons, nous ne saurions pas le faire. Artistiquement, c'est super enrichissant car tu explores de nouvelles pistes. Si on revient avec un prochain album, le fait d'avoir écrit pour plein de monde nous aura permis de nous ouvrir à d'autres choses, et suis sur qu'en découleront de nouvelles choses pour notre projet.
Après une première moitié de 2019 aussi chargée, quoi de prévu ?
Flo : On ne regarde pas trop le planning, même si on a un petit break en octobre, avant de commencer les Zéniths. L'année n'est pas finie, nous sommes dans une grosse tournée d'été que nous adorons, et après, ce sera les Zéniths à la rentrée. C'est vraiment cool. On est aussi en train d'écrire plein de choses, c'est très excitant, une très belle année, et 2020 s'annonce tout aussi puissante.
Propos recueillis par Sébastien MARTINEZ.