AMY WINEHOUSE

Le 29/10/2007 - Zénith / Paris.
Finalement, le plus dure c'est de mettre une note. Combien mettre à ce genre de prestation et sur quels critères se base t'on ? Si c'est le talent pur, il n'y a pas à dire, nous avons affaire à une reine. Si c'est l'originalité du spectacle, même chose, la note sera excellente, car j'ai rarement vu un spectacle aussi décalé et surréaliste (même si c'est pas volontaire). En revanche si c'est la performance musicale qui est jugée, là on risque de tomber bien bas. Quel gâchis. Avoir un talent pareil, et être incapable de l'exploiter c'est tout de même une vraie déception. Ca rappelle certains joueurs de foot au talent individuel époustouflant, mais incapable de passer une balle ou de jouer collectif. Bon remarque au moins, vous me direz, elle était là et c'est déjà pas mal. Malgré la déception de se retrouver au Zénith alors qu'on avait des places pour l'Olympia, on comprend vite que de toute façon, il vaut mieux assurer une date pleine de monde que de risquer d'en faire deux. Néanmoins, le zénith se prête assez mal à ce genre de musique qui convient plus à une ambiance intimiste (bien que les puristes me diront, et auront raison, que quel que soit la musique, les petites salles c'est toujours mieux). En tout cas, à 21h30, Amy Winehouse apparaissait enfin sur une scène parisienne. Moulée dans une robe rose fluo du meilleur gout et toujours attifée de sa célèbre choucroute Amy enchaine son premier morceau avec une guitare en bandoulière qui fait plus office de déco que autre chose, mais nous reviendrons sur l'épisode guitare. Un de ses premiers titres pourtant exceptionnel, « Just Friends », est littéralement massacré. Les musiciens et choristes (eux tous impeccables), prennent vite peur. Encore une fois ce soir : c'est pas gagné. Malgré sa promesse de ne plus boire avant un concert, le public comprend vite que c'était un vœu pieu. A chaque morceau, elle doit aller discuter avec son bassiste (heureusement qu'il est là d'ailleurs) pour savoir ce qu'elle doit faire après. Elle a l'air complètement paumée. Mais surtout, elle se laisse vite distraire. Entre les verres qu'elle a constamment à la main ou à ses pieds et qu'elles alternent à coup de boissons représentants toutes les couleurs de l'arc en ciel, entre sa robe et son soustif qu'elle doit en permanence remettre, entre son foulard vert avec lequel elle fait mumuse, entre sa choucroute au poids impressionnant qui risque à chaque seconde de se casser la gueule ou de la faire tomber en arrière (elle a limite plus de poids dans les cheveux que dans son corps tout mouillé) et entre cette putain de guitare qu'elle a du mettre et retirer une quinzaine de fois (en plus avec une hauteur de cheveux à la Marge Simpsons c'est vachement facile à retirer) pour en plus ne jamais s'en servir, il n'y a pas beaucoup de temps pour se concentrer. Car tous ce qu'elle fait là, elle ne le fait pas entre les morceaux mais pendant. Du coup elle saute des phrases, elle ne suit pas ce que font ses musiciens et elle rate beaucoup de chose. Elle est également capable de quitter la scène sans prévenir pour aller se resservir ou pour se repoudrer le nez. Bref j'ai du faire une petite centaine de concerts depuis deux ans, je n'avais jamais vu aussi peu de préparations pendant un spectacle. A certains moments on a l'impression d'assister à une répétition. Néanmoins, et c'est là qu'elle est incroyablement paradoxale, quand elle arrive à se concentrer plus de deux minutes c'est tout simplement exceptionnel. Une voix pareille dans un corps pareil cela dépasse l'entendement. Depuis Bjork, rarement la voix d'une artiste m'avait donné autant de frissons. C'est un régal mais frugal. Elle rate un morceau sur trois, mais il y a des instants de grâce. Elle nous gratifia d'un « Some unholy war » à tomber par terre. Idem pour « I sleep alone », en revanche « Back to black » manquait un peu de conviction. Au rayon des surprises, elle nous proposa des reprises ska des « Specials », étonnants et décalés de ce qu'elle fait d'habitude. « Rehab » fut plutôt réussie, et elle conclut par un court rappel avec « Valérie ». Elle est magique mais frustrante. Autre problème, elle n'est pas fiable pour ses musiciens ce qui ne les rend pas très bons. Ils sont tributaires de son inorganisation et du coup ils ne savent pas comment la suivre. Dure de prévoir, en effet, qu'elle va quitter la scène une minute et les laisser en plan. Bon pour conclure, c'est un concert à faire pour le caractère exceptionnel de sa présence, mais hormis les quelques moments ou elle pose correctement sa voix, on rigole plus d'elle que autre chose. Ce qui est fascinant, c'est que l'on dirait une enfant, totalement incapable de se concentrer sur une chose pendant plus de trois minutes. Elle se laisse en permanence distraire par elle-même et par ce qui se passe autour d'elle. Néanmoins, aucun regret d'y être allé les minutes d'extases qu'elle arrive quand même à provoquer valent bien ça. Et puis surtout on ne sait pas quand on le reverra ni dans quel état. En tout cas, je sais que je l'ai déjà dit, mais quelle voix...

Le 29/10/2007 - Zénith.
Quelle désatreuse décision de déplacer le concert de l'Olympia au Zénith. Ceux qui avaient réservé leurs places 4 mois auparavent l'ont dans le baba. Cette décision va permettre aux organisateurs de vendre 4000 places en plus mais elle semble désastreuse d'un point de vue artistique. Si l'Olympia était une salle parfaite pour la soul soyeuse d'Amy Winehouse, le hangar du Zénith est un choix consternant. N'aurait-il pas été mieux de conserver l'Olympia et de rajouter une date au Zénith ? Si, bien sûr mais cela eut peut être été moins rentable... Résultat : on n'aura jamais eu l'occasion de voir en France Amy Winehouse dans une salle de taille raisonnable. Dommage !